Fixer des Objectifs SBTi dans le Secteur de l’Énergie : Défis et Opportunités 

Par Marguerite Fauroux, Marine Manche

La transition mondiale vers la décarbonation a fait de la durabilité une priorité absolue pour tous les secteurs d’activité. Les objectifs de l’initiative Science-Based Targets initiative (SBTi)  sont devenus un pilier essentiel pour démontrer les engagements des entreprises en faveur de cette mission. Toutefois, l’alignement de ces objectifs sur les réalités spécifiques de certains secteurs peut s’avérer complexe. Lors d’une récente mission avec une entreprise leader du secteur de l’énergie en Suisse, Earth Action s’est heurté au défi d’établir des objectifs conformes aux critères de SBTi. Cette mission a révélé des contradictions critiques entre les cadres globaux, les stratégies nationales et les besoins spécifiques à l’industrie, offrant ainsi des enseignements précieux pour l’ensemble du secteur de l’énergie. 

Les limites du SBTi pour les entreprises en avance sur la transition écologique

La méthodologie SBTi impose des réductions en pourcentage à toutes les entreprises, quel que soit leur point de départ. Pour notre client dans le secteur de l’énergie en Suisse, cette approche représentait un obstacle majeur. Avec une intensité carbone déjà très faible (électricité et chaleur produites près de 100 % à partir de sources renouvelables), atteindre les seuils de réduction exigés par SBTi s’avérait beaucoup plus difficile que pour des entreprises ayant des émissions initiales plus élevées. Cette approche uniforme risque de pénaliser les entreprises ayant déjà réalisé des efforts considérables. 

Équilibrer décarbonation et croissance économique 

Le secteur de l’énergie doit relever le double défi de décarboner ses opérations tout en répondant à une demande croissante en électricité. Leurs investissements dans les infrastructures renouvelables, telles que les panneaux solaires, les bornes de recharge électrique et le renforcement des réseaux, augmentent à court terme les émissions de leur scope 3, bien qu’ils soient essentiels pour favoriser une décarbonation à plus grande échelle. La méthodologie SBTi applique les mêmes objectifs de réduction pour le scope 3 à tous les secteurs, sans tenir compte de leurs réalités spécifiques. Cette uniformité crée un paradoxe : les actions visant à promouvoir la durabilité apparaissent comme des freins sur le papier.  

Contradiction entre méthodologies globales et stratégies nationales 

Un autre défi réside dans le conflit entre les méthodologies globales et les stratégies climatiques nationales. En Suisse, la biomasse utilisée pour produire de la chaleur est considérée comme neutre en carbone et joue un rôle essentiel dans les efforts de réduction des émissions liées au chauffage . Cependant, SBTi inclut les émissions biogéniques, comme celles issues de la combustion de biomasse, dans ses objectifs, ce qui génère un désalignement et oblige les entreprises à concilier des attentes divergentes. Pour cette entreprise du secteur de l’énergie qui développe activement des solutions de chauffage à biomasse, se conformer aux exigences de SBTi entre en conflit avec son engagement en faveur des objectifs suisses en matière d’énergie renouvelable. 

Première piste d’amélioration : adopter une approche basée sur un budget carbone 

Pour répondre à ces contradictions, Earth Action a identifié plusieurs opportunités que les initiatives telles que SBTi devraient envisager dans leur développement futur. La première est l’adoption d’un budget carbone plutôt que de fixer une réduction rigide pour une année donnée. Cette approche pourrait offrir : 

  • Une plus grande flexibilité pour les entreprises dans l’utilisation de leur budget carbone jusqu’en 2050, leur permettant d’investir tôt dans des technologies de décarbonisation. 
  • Un meilleur alignement avec les stratégies nationales souvent exprimées en termes de budgets, offrant une voie plus pragmatique et régionalisée. 


Deuxième piste : prendre en compte la croissance et les efforts passés 

Une deuxième opportunité serait de prendre en compte la croissance des entreprises et leurs efforts passés en matière de durabilité par rapport aux entreprises du même secteur. Cela pourrait inclure : 

  • Une différenciation entre les entreprises ayant déjà réduit significativement leurs émissions et celles qui en sont encore aux premières étapes. 

  • Un ajustement des objectifs pour éviter que la croissance d’une entreprise, notamment lorsqu’elle est essentielle à la transition énergétique, ne soit perçue comme une hausse négative des émissions. 

  • La création de trajectoires sectorielles spécifiques, adaptées au rôle clé du secteur de l’énergie dans la transition bas-carbone.

Troisième piste : prendre en compte les émissions évitées dans les stratégies climatiques 

Une autre limite du cadre SBTi est l’exclusion des émissions évitées, c’est-à-dire les émissions qu’une entreprise permet d’éviter grâce à ses produits ou services. Par exemple, les fournisseurs d’énergie proposant de l’électricité bas carbone permettent à d’autres secteurs de réduire leur empreinte carbone. Pourtant, cette contribution cruciale n’est pas reflétée dans le cadre de SBTi. 


Un cadre comme le Net Zero Initiative (NZI), développé par Carbone 4, comble cette lacune en distinguant trois piliers de contribution à la neutralité carbone mondiale : 

  • Pillar A: Réduction des émissions de la chaîne de valeur de l’entreprise (Scopes 1, 2 et 3).

  • Pillar B: Facilitation des réductions pour d’autres secteurs grâce au développement de produits ou services bas carbone (émissions évitées).

  • Pillar C: Contribution aux puits de carbone.

Le Pilier B de la NZI quantifie les émissions évitées en comparant les émissions des produits et services de l’entreprise avec celles d’un scénario de référence. Bien que cette initiative ait élaboré une méthodologie détaillée pour comptabiliser ces émissions, son absence de reconnaissance à l’échelle mondiale entraîne des incohérences dans les calculs réalisés par les entreprises. En l’absence de méthodologie reconnue à l’échelle mondiale, les résultats peuvent varier, ce qui nuit à la crédibilité et entrave l’intégration des émissions évitées dans les cadres de reporting standardisés. 

En ignorant les contributions des entreprises sur toute la chaîne de valeur, le SBTi risque de décourager le développement de projets transformateurs, pourtant essentiels pour atteindre les objectifs climatiques. 


Intégrer les émissions évitées dans le cadre du SBTi, et ajuster les objectifs de réduction des entreprises en fonction de leur rôle bénéfique pour la transition écologique, en s’inspirant de cadres comme le NZI, pourrait ouvrir de nouvelles opportunités pour une décarbonisation systémique. Cela nécessitera toutefois le développement d’une méthodologie mondiale standardisée pour quantifier ces émissions. Ce cadre devra garantir la transparence, minimiser la subjectivité et fournir des directives claires pour permettre aux entreprises de déclarer les émissions évitées parallèlement à leurs objectifs de réduction. 

 

Comment Earth Action peut vous accompagner dans votre transition bas carbone 

Chez Earth Action, nous sommes spécialisés dans l’accompagnement des entreprises face à des cadres de durabilité complexes. Notre expertise inclut : 

  • L’évaluation de l’empreinte carbone pour mesurer les émissions des scopes 1, 2 et 3. 

  • Les analyses de cycle de vie (ACV) pour évaluer les impacts environnementaux sur l’ensemble de la chaîne de valeur

  • La définition de stratégies de durabilité qui permettent aux entreprises d’aligner leurs opérations avec des objectifs climatiques ambitieux, tout en tenant compte des réalités pratiques. 

Nous aidons nos clients à développer des approches personnalisées, à identifier des opportunités de décarbonisation et à transformer leurs engagements climatiques en actions concrètes. En adoptant une approche pragmatique et collaborative, Earth Action permet aux entreprises de combiner ambition et faisabilité pour atteindre des résultats durables et mesurables


Conclusion

Cette étude de cas met en lumière les défis uniques auxquels les entreprises du secteur de l’énergie sont confrontées lors de la définition d’objectifs SBTi. Les écarts entre les cadres climatiques mondiaux, les stratégies énergétiques nationales et les réalités pratiques de la transition énergétique soulignent la nécessité de solutions flexibles et adaptées aux spécificités de chaque secteur. 



Adopter une approche basée sur des budgets carbones, prendre en compte les efforts déjà fournis par les entreprises et intégrer les émissions évitées dans les cadres mondiaux pourraient permettre d’atteindre un résultat plus équitable et complet. Pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux tout en maintenant la faisabilité opérationnelle, la collaboration entre les parties prenantes est essentielle pour élaborer des cadres pratiques, scientifiques et durables. 

A picture of a wind turbine on a hill in the countryside

EA – Earth Action

Lausanne, Switzerland

Ch. des vignes d’argent 7

1004 Lausanne Suisse

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